Le suicide politique de la gauche française

La responsabilité de la gauche dans l’ascension de Marine Le Pen

L’identitarisme pousse la classe ouvrière dans les bras de l’extrême droite

22/04/2022 EM PORTUGUÊS AQUI

Photo : Emmanuel Macron et Marine Le Pen disputent le second tour des élections françaises – Eric Feferberg et Alain Jocard/AFP

Cette dernière semaine, les élections présidentielles françaises ont pris de l’importance dans la presse hégémonique en raison de la montée de la droite et de l’extrême droite, et aussi dans les très rares portails de gauche qui révèlent l’échec de la campagne socialiste au pays considéré  le berceau de la révolution prolétarienne.

Le premier tour a eu lieu le 10 avril, avec les résultats suivants pour les 4 candidats les plus votés :
– Emmanuel Macron (La République en marche ! – LREM), actuel président de la République, 27,85 % des voix.

– Marine Le Pen (Rassemblement national – RN), 23,15 % des voix.

– Jean-Luc Mélenchon (La France Insoumise – LFI), 21,95 % des voix.

– Éric Zemmour (Reconquête – R !), 7,07 % des voix.

Ce cycle a démontré le démantèlement continu du régime politique impérialiste français actuel. Aucun des candidats les plus votés n’appartient aux partis politiques traditionnels qui sont la base du régime politique français, à savoir le Parti Socialiste et les Républicains.

Bien que l’actuel président, Emmanuel Macron, soit un fidèle écuyer de l’impérialisme français, son ascension à la présidence en 2016/2017 était une improvisation de la part de la bourgeoisie française pour garder le contrôle du régime politique, en raison de la détérioration déjà visible des deux partis politiques traditionnels.


A l’époque, ni le Parti socialiste ni les Républicains ne parvenaient à placer des candidats en mesure de remporter la présidence de la république. La démoralisation des deux partis vis-à-vis de la population française est le résultat de plusieurs années d’attaques contre le peuple sous forme de suppression constante de droits précédemment acquis.

La bourgeoisie a dû s’improviser un candidat qui soit aussi un représentant fidèle des intérêts de la bourgeoisie impérialiste française, mais sans en avoir l’air. C’est ainsi que Emmanuel Macron est monté à la présidence.

Il va sans dire que son gouvernement a été caractérisé par l’attaque tous azimuts contre la classe ouvrière. En fidèle représentant des banques, Macron cherche à sauver les capitalistes de la faillite, au détriment des conditions de vie de la population. Cependant, il n’a même pas réussi à contenir la crise capitaliste. En essayant de mettre la crise sur le compte du travailleur français, il a fini profondément démoralisé, ce que les mobilisations des Gilets Jaunes en 2019 ont bien démontré. En 2020, avec la pandémie de la Covid-19, la crise s’est aggravée sans cesse, ainsi que la méfiance envers le gouvernement. En conséquence, la polarisation sociale s’est accrue, entraînant l’ascension et de l’extrême droite et d’une gauche qui n’est pas entièrement liée au Parti socialiste.

Qu’est-ce que tout cela a à voir avec l’élection présidentielle de 2022 ?

Or, cette polarisation s’est clairement manifestée lors des élections. Les principaux partis traditionnels du régime politique en vigueur ont été écartés. Les Républicains n’ont obtenu que 4,78% des voix, et le parti Socialiste, 1,74 %.

En revanche, deux des quatre candidats le plus votés appartiennent à l’extrême droite (Le Pen et Zemmour) ; quant aux autres deux, Mélenchon appartient à un secteur de la gauche qui a cherché à se détacher, dans une certaine mesure, de la politique impérialiste du Parti Socialiste ; l’autre est l’actuel Président de la république.

Le Pen et Macron vont disputer le second tour le 24 avril 2022,  dispute qui s’annonce serrée. Dans son programme hebdomadaire d’analyse politique du samedi 16 avril 2022, le camarade Rui Costa Pimenta, président du Parti de la Cause Ouvrière (Partido da Causa Operária – PCO), a analysé le résultat du premier tour des élections françaises.

Le camarade a commencé par évoquer la question de la guerre en Ukraine, avant de parler sur les élections. Il a souligné que les pays les plus arriérés montraient une certaine résistance à attaquer la Russie à la demande de l’impérialisme. Il a observé que le soutien à Poutine est le résultat de son choix de faire face à l’impérialisme et, étant donné que la plupart des pays du monde sont écrasés par des pays impérialistes, il est naturel qu’ils manifestent une tendance à graviter vers quelqu’un qui représente le fer de lance de la confrontation contre l’impérialisme. Selon son analyse, il s’agit d’une manifestation de la lutte des peuples opprimés d’une part et de l’impérialisme d’autre part. Selon le compagnon, « si une partie de la gauche a tendance à voir les choses de manière falsifiée, d’un point de vue idéologique […], la majorité de la population ne voit pas les choses d’un point de vue idéologique… la lutte des classes n’a pas ces coordonnées idéologiques… les gens se battent pour leurs intérêts, en général, et non pour une idéologie… ce sont les partis politiques qui doivent avoir une idéologie pour guider leurs actions […] ».

Rui Costa Pimenta a noté que cette situation est en train de se manifester de manière très aiguë en France, lors des élections.  « L’élection française est une crise totale de l’impérialisme […] Macron, représentant de l’impérialisme, de la politique néolibérale et de tout le reste, et l’extrême droite (Marine Le Pen) sont quasiment à égalité au second tour ».

Face à ce scénario, l’impérialisme français se creuse la tête pour qu’un candidat extrêmement impopulaire (Macron) gagne les élections, faisant de l’extrême droite un épouvantail afin d’amener la gauche à voter pour le principal représentant de l’impérialisme. Un piège évident pour placer la gauche dans le sillage de la bourgeoisie. Il s’agit d’un piège, car Macron, fidèle écuyer de la bourgeoisie impérialiste française, dans les circonstances actuelles est pire que Marine Le Pen. Pas étonnant que les ouvriers français soient tous contre lui.

Mais ce n’est qu’une partie du problème. La gauche, avec sa politique de se maintenir dans le sillage de la bourgeoisie, a poussé la classe ouvrière française dans les girons de l’extrême droite, si habile pour faire de la démagogie avec les angoisses du peuple contre le système qui l’écrase  quotidiennement.

Citant un analyste politique de la droite française (Le Figaro), le camarade Rui attire l’attention sur le fait que le conflit au second tour des élections est entre « la France d’en haut » et « la France d’en bas ».

Macron représente « le dessus » (banquiers, grands capitalistes, etc.), tandis que Le Pen (l’extrême droite fasciste française) représente « le dessous », c’est-à-dire la majorité de la classe ouvrière et du peuple français.

Dans les mots du président national du PCO, « l’extrême droite française a gagné la classe ouvrière française, et la gauche est restée suspendue dans le vide ».

Il faut faire attention à la gravité de la situation : Marine Le Pen appartient au Rassemblement national, parti qui poursuit l’action initiée par le Front national. Celui-ci, à son tour, est l’un des partis les plus caractéristiques d’extrême droite au monde, fondé par le père de la candidate, un parachutiste français qui a servi en Algérie pendant la guerre civile menée par le peuple algérien pour se libérer de la colonisation française.

L’action menée par la France dans la guerre, en particulier par les parachutistes français, a été extrêmement brutale, au point d’être souvent comparée à celle des nazis lorsqu’ils ont occupé la France. Face à la défaite imminente des Français en Algérie, le gouvernement français de l’époque, dirigé par De Gaulle, a décidé de retirer les troupes françaises, pour éviter un massacre contre la population française qui vivait en Algérie.

Insatisfaits de cette décision, les parachutistes créent la soi-disant « Organisation de l’armée secrète », responsable de tentatives d’assassinat contre De Gaulle et d’un coup d’État qui avait pour but l’établissement d’une dictature militaire en France (coup qui n’a pas abouti).

Bref, c’est un groupe ultra réactionnaire, fasciste, dont Marine Le Pen est la descendante directe. Et voilà que la gauche française a réussi l’exploit de pousser la classe ouvrière vers les descendants de ces fascistes.

Le PCO remarque et dénonce depuis un certain temps ce processus : la gravitation de la classe ouvrière autour de l’extrême droite, en raison de la politique anti-ouvrière et pro-impérialiste menée par la gauche.

En ce qui concerne la France, le processus est déjà terminé, c’est chose faite : « la gauche a livré la classe ouvrière sur un plateau d’argent à l’extrême droite. » Pourquoi ? Car, alors que l’extrême droite prend position contre les mesures économiques qui fustigent quotidiennement la classe ouvrière, la gauche française ne se préoccupe que des questions identitaires, laissant de côté la lutte pour les intérêts pressants de la classe ouvrière française. Dans ce sens, « la gauche est devenue une gauche morale, religieuse ».

Face à ces faits, le camarade Rui Costa Pimenta souligne la décomposition du régime politique français : malgré la puissance de la bourgeoisie impérialiste, le régime n’est pas en mesure de contenir la croissance électorale de l’extrême droite, car il manque d’apporter un  réel soutien à la classe ouvrière.

Rui Costa Pimenta souligne que la croissance électorale ne reflète pas exactement  la décomposition réelle, car le processus électoral est extrêmement manipulé. La décomposition réelle est plus profonde et le soutien populaire à l’extrême droite française est supérieur à celui manifesté dans les élections.

D’où vient cette situation ? Lorsque les Gilets Jaunes se sont mobilisés contre la politique économique d’Emmanuel Macron, la gauche n’a pas su ni voulu soutenir les mouvements et guider les ouvriers vers une lutte conséquente contre la bourgeoisie impérialiste française.
À l’époque, le PCO avait déclaré que la gauche aurait dû brandir le slogan “Dégage Macron” (FORA Macron) tout en faisant appel à la CGT pour soutenir une grève générale et l’unification de la mobilisation des travailleurs contre le gouvernement de l’impérialisme français.

Au lieu de cela, la gauche était contre la mobilisation, ayant souvent déclaré qu’il s’agissait d’une mobilisation de l’extrême droite. Bref, effrayée (peur ou pur opportunisme ?) par l’épouvantail du fascisme, la gauche française s’est rangée du côté de la bourgeoisie contre la classe ouvrière.

Selon le camarade Rui Costa Pimenta, en adoptant cette politique identitaire, « la gauche creuse sa propre tombe ». Si la gauche continue sur cette voie, elle y sera totalement enterrée. En France, on assiste à des funérailles… le parti le plus identitaire de tous (en France) est le Parti Socialiste… ils avaient 2% des voix… c’est le pire résultat de l’histoire du Parti Socialiste français, fondé au XIXe siècle […] »

Il a souligné que « la gauche mondiale est entrée dans la voie suicidaire de quitter la lutte de la classe ouvrière, des ouvriers, des pauvres, pour mener une lutte identitaire (la lutte des femmes, celle des noirs…) – « une lutte qui n’a de mérite que si elle est étroitement liée à la lutte de la classe ouvrière ».


Quelles leçons peut-on tirer de la situation française pour le Brésil ?

Au Brésil, la situation de la gauche est dramatique, et elle se dirige vers sa faillite totale. Le PCO a déjà dénoncé qu’une partie importante de cette gauche est financée par l’impérialisme. L’impérialisme, par l’intermédiaire de cette gauche opportuniste, se sert des mouvements des femmes, des noirs, des indiens, des lgbt, pour camoufler une politique d’écrasement du reste de la population (y compris de ces mêmes groupes).

Tant que la gauche continuera à mener cette politique désastreuse, il est inévitable que le peuple brésilien soit jeté dans les girons de l’extrême droite, si habile à faire de la démagogie   avec les désirs populaires. Si cela se produit, nous aurons une tragédie pire que celle qui se passe en France : la gauche aura jeté la classe ouvrière brésilienne dans les girons des descendants directs de la dictature militaire fasciste de 1964. Pour cette raison, il est nécessaire de combattre l’identitarisme avec toutes les forces.

L’identitarisme n’est rien de plus qu’une politique impérialiste qui vise à détruire la partie de la  gauche qui a encore un lien organique avec la classe ouvrière, et à la remplacer par une gauche totalement dissociée du peuple, donc parfaitement contrôlable par la bourgeoisie impérialiste.

Pour ce faire, l’impérialisme profite des opportunistes, des carriéristes, qui ne s’intéressent qu’à leur propre ascension sociale, au détriment des intérêts des travailleurs. Comme les identitaires agissent de manière extrêmement truculente, essayant d’imposer leur morale à tout le monde, et condamnant le peuple comme leur étant inférieur, le triomphe de cette politique fera basculer les travailleurs vers l’extrême droite. Elle produit déjà cet effet, ce qui se traduit par le soutien d’une partie de la classe ouvrière à l’extrême droite brésilienne (Bolsonaro et les militaires).

Ainsi, le PCO réitère : il faut lutter contre l’identitarisme, lutter pour les vrais intérêts du peuple brésilien, et il faut le faire maintenant !

SOURCE: DCO EN PORTUGAIS

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